Mai 092016
 

Ce matin une femme politique qualifiait un homme, accusé d'agressions et de harcèlements sexuels, de "dragueur réputé lourd".

Nous avons énormément de mal à bien nommer les choses en matière d'agressions sexuelles parce que nos définitions ne prennent jamais en compte une chose ; le fait de ne pas tenir compte du consentement de la victime.
Pour beaucoup d'entre nous, dépasser ses limites, insister, pousser un peu fait partie du "jeu de la séduction" et de l'attitude de certains hommes. Nous avons intégré que certains hommes insistent, c'est comme ça. Et certains hommes ont intégré qu'à force d'insister, ils obtiendront parfois ce qu'ils veulent. On perd toujours à ce "jeu" là ; prenez à la rigolade l'agression pensant ainsi apaiser les choses, vous serez une salope. Repoussez vivement l'agresseur, vous savez une mal baisée qui ne  connait pas la rigolade. L'agression sexuelle est, dans l'esprit de beaucoup, ce qu'est une agression physique, un acte forcément violent, impliquant des poings ou un couteau, qui se passe davantage sur un parvis de cathédrale allemande que dans le salon feutré d'un parti politique. L'agression sexuelle du racisé pauvre contre la drague lourde du chefaillon de parti politique.
Les hommes sont un peu lourds, nous apprend-on ; comme si l'insistance en matière sexuelle venait avec la socialisation masculine. "Si on ne peut plus rigoler" entend-on souvent.
Rigoler, drague lourde, les mots sont légions pour qualifier les agressions sexuelles. Le consentement féminin ne compte pas. Il suffisait de dire non, va-t-on entendre, sans penser qu'on n'a déjà pas à entendre ce genre de phrases dites, répétées et insistantes qui non, n'ont pas à faire partie d'une relation entre hommes et femmes. On me répondra que je veux interdire la drague, ce qui fera une énième fois, l'amalgame entre drague et agressions sexuelle. Insister pour obtenir ce qu'on veut d'une femme est une plaisanterie  connue de tous, un jeu masculin qui se joue seul.

Beaucoup vont ainsi nommer les agressions sexuelle, de la drague lourde. On nous expliquera qu'il ne faut pas rester seule avec untel ou qu'il ne faut pas mettre de décolleté devant Machin. On nous préviendra que Truc est un peu lourd, et qu'il "aime beaucoup les femmes". Jamais on ne nous dira qu'il est un agresseur sexuel et surtout jamais on ne le lui dira. On ne le stoppera que rarement, y compris quand cela se sait dans son entourage amical, familial et professionnel. Le tout Paris médiatique a ainsi longtemps discuté du cas DSK, beaucoup de gens ont témoigné "qu'en effet il était un peu lourd" "en effet il ne fallait pas se retrouver seule avec lui" "que c'était un grand séducteur" mais personne, jamais n'a rien fait. On utilisera des euphémismes en continu parce qu'on est tout bonnement incapable de voir une agression sexuelle.

On fait beaucoup de cas des agressions sexuelles et des viols subis par les femmes en théorie.  Lorsque personne n'est nommé, les hommes vont jusqu'à se mettre du rouge à lèvres pour dénoncer ce qu'on subit ou écrire des textes où ils montrent combien ils ont été héroïques pour nous défendre. Lorsqu'une femme relate son agression sans rien dire de l'agresseur, beaucoup font des tourniquets avec leurs bras pour expliquer ce qu'ils aimeraient faire aux agresseurs.
Lorsque l'agresseur est connu - et qu'il ne correspond pas au profil d'un agresseur sexuel - les choses sont bien différentes. Du troussage de domestique à la chance de sa vie, à celle qui faisait plus que son âge, les coupables ont toutes les excuses, toujours.

Les agresseurs sexuels sont souvent connus de leurs cercles parce qu'ils ont souvent un tel  sentiment d'impunité qu'ils ne s'emmerdent plus à se cacher. Pourquoi le feraient-ils ? Ils savent qu'ils ne risquent rien. Il suffit de voir d'ailleurs ce qui se passe aujourd'hui ; la femme de l'agresseur présumé est plus accusée que lui pour mille et une raisons ; la meilleure étant encore que son physique qui serait disgracieux a du pousser son mari à en agresser d'autres. Les femmes entourant un agresseur sexuel sont d'ailleurs souvent accusées de ses délits. La mère ? une femme étouffante à cause de qui le coupable a un Oedipe mal soigné qu'il règle en agressant des femmes. La femme ? Une mocheté qui lui refuse de coucher avec lui, le pauvre. Encore une fois, le viol et les agressions sexuelles sont les seuls crimes et délits où la victime devient coupable et par extension, toutes les femmes ayant traversé la vie de l'accusé, voire même toutes les femmes qui ont  rendu la vie de ce pauvre homme impossible. On se souviendra encore de certains violeurs en série dont on expliquait que toute la rage  venait du fait qu'aucune femme n'avait voulu coucher avec eux.

Nous sommes dans une impasse face à la lutte contre les agressions sexuelles et le viol car nous refusons de voir  ce qui se passe. Nous refusons d'admettre que c'est notre façon d'envisager la sexualité masculine (irrépressible, lourdingue, pulsionnelle) qui nous empêche de lutter contre le viol. Beaucoup d'hommes sont tellement plus préoccupés par des mythes sur le viol, comme l'idée que les femmes passent leur temps libre à porter faussement plainte pour viol ou que les féministes voient en tout homme un violeur, qu'ils n'entament pas le début du commencement d'une réflexion sur le sujet des agressions sexuelles.
Collectivement, nous avons beaucoup de travail pour comprendre qu'un supérieur hiérarchique qui drague une subordonnée se met d'office dans une position de harcèlement puisqu'elle ne peut que difficilement lui dire non sans risquer des ennuis professionnels.
Collectivement, nous devons bannir les mots "drague lourde". Soit on drague, en arrêtant au moindre geste, mot, attitude signalant un refus soit on insiste, agresse, harcèle. On ne peut prendre le risque de la zone grise, on ne peut continuer des centaines d'année à louvoyer et à permettre que des centaines de milliers de femmes soient harcelées, agressées et violées chaque année.
Collectivement, on doit cesser d'amadouer, rassurer, excuser,  les fameux hommes qui n'ont rien fait. Pourquoi tiennent-ils autant à se mettre en avant ? Est-ce le sujet ? A parler de ceux qui n'ont rien fait, on ne parle plus de ceux qui ont fait et de celles qui ont subi.

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Sans titre-1

La drague lourde n'existe pas.
La drague lourde est du harcèlement, de l'agression, de la violence. Nommons la comme telle afin de ne pas donner l'impression qu'on la tolère, qu'on l'admet, qu'on la considère comme licite.
Vos amis "draguent lourdement" ?  Stoppez-les.  Il n'y a pas de si, il n'y a pas de mais. On a tous et toutes connu de ces gens qu'on nomme dragueurs lourds car on n'ose penser que nos potes ou collègues sont des agresseurs sexuels.

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