Une lectrice a eu la gentillesse de m'offrir Film noir de Taschen dont je vais vous parler aujourd'hui.
"Oui je l'ai tué. je l'ai tué pour le fric et pour une femme. je n'ai pas eu le fric et je n'ai pas eu la femme. C'est réussi non ?" Walter Neff, Assurance sur la mort.
La période classique du film noir s'étend de 1941 à 1958 ; ces films furent longtemps conspués par la critique qui parlait de "films de criminels".
Les studios confiaient en général à leurs studios chargés des séries B le soin de réaliser des films noirs qui servaient à combler les deuxièmes parties lors des doubles programmes.
Dés 1946, les critiques français qui n'avaient pu voir pendant 5 ans des films américains, constatèrent combien les ambiances et les sujets étaient plus sombres que dans les années 30, et commencèrent à parler de film noir. En 1955, Raymond Borde et Etienne Chaumeton publièrent une grand étude sur le sujet "Panorama du film noir américain : 1941-1953" alors qu'on n'en parlait pas du tout aux Etats-Unis. Le jeunes rédacteurs des Cahiers du cinéma firent de même à la fin des années 50 et au début des années 60.
Les américains ne commencèrent à en parler qu'au milieu des 60 en se rebellant contre l'histoire imposée du cinema américain. Ainsi au début des années 70, sont publiés plusieurs essais sur le film noir américain ainsi nommé d'après les premiers critiques français.
Les racines du film noir viennent du polar hard-boiled (dur à cuire) de Dashiell Hammett, Raymond Chandler, James M. Cain, David Goodis et Cornell Woolrich. Leq écrivains naturalistes comme Zola et Hemingway eurent également une grande influence ainsi dans La bête humaine Zola associe crime et désir.
Au plan technique, les expressionnistes allemands avec leurs clairs-obscurs, leurs angles de vues déformés et leurs décors symboliques ont eu une grand influence sur l'esthétique du film noir. On peut ainsi citer Le cabinet du docteur Caligari, Metropolis, la série du docteur Mabuse ou Nosferatu.
Au niveau philosophique, la diffusion des théories freudiennes eut également leur importance ainsi que l'existentialisme. Ces deux courants contribuèrent à promouvoir la vision du monde mettant en scène l'absurdité de l'existence, et l'importance du passé dans les actes d'un individu.
Les thèmes du film noir :
- le passé hanté : les individus sont souvent marqués par un passé lourd qu'ils traînent comme un fardeau.
- le cauchemar fataliste : le film noir tourne autour d'un axe central ; la causalité. Les événements du film sont liés entre eux et mènent vers une fin prévisible. Le film noir est déterministe.
Les archétypes :
On retrouve 3 personnes archétypaux.
- celui qui recherche la vérité
- celui qui est traqué
- la femme fatale
La photographie :
- l'éclairage en clairs obscurs
- les angles inattendus
- les mouvements de caméra
- le paysage urbain
- flash back et caméra subjective
La diction :
- dialogues inspirés des romans policiers hard boiled
- une voix off
On considère comme le premier film noir Stranger on the third flood avec Peter Lorre.
1941 marque le début de la période classique du film noir avec Le faucon maltais de John Huston.
En 1943, sort Assurance sur la mort.
1944 : Adieu ma jolie
1945 : Détours
1946 : Le facteur sonne toujours deux fois, Gilda, Le grand sommeil et Les tueurs.
Entre 1947 et 1955 de nombreux réalisateur de films noirs sont mis sur listes noire et grise par la Commission des activités antiaméricaines.
1950 marque l'apogée du film noir.
En 1952, sort La maison dans l'ombre. En 1953, Un si doux visage et en 1954, Désirs humains.
Dés 1956, le film noir amorce son déclin avec Ll'ultime razzia. En 1958, La soif du mal est considéré comme le chant du cygne du film noir.
En 1967, Le point de non retour de Boorman est considéré comme un film noir dans un univers non noir.
1972 marque la naissance du film neo noir avec Hickey & Boggs. Vinrent ensuite Chinatown, Taxi driver...
Vous trouverez ici une liste non exhaustive des films noirs.
5 réponses sur “Le film noir ; définition et explications”
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tu parles de 4 archétypes mais n'en cite que 3 : oublie ou coquille ?
Si on s'intéresse à la part littéraire de cette affaire, en même temps qu'à la question de la lutte des minorités contre la domination, cela pourrait vous intéresser de lire du 'Chester Himes' (je viens de lire la notice Wikipedia, qui est suffisamment instructive). Il parle de la violence contre les noirs, de la violence contre les prisonniers, de l'homosexualité en prison, de la difficulté de lutter contre la domination blanche, et que les blancs qui en parlent ne veulent qu'en profiter, et de s'émanciper, et de l'appel à la cohésion entre 'couleurs' en temps de guerre au profit des blancs, et de la double contrainte de la femme blanche, etc. Après cela, rejeté jusqu'à devenir fou (l'avait-il cherché ?), il a fui les USA. Et il a écrit pour la Série Noire des romans où deux policiers noirs cyniques font du dévoilement de crimes tout en profitant des butins récupérés. Dans un troisième temps, il a écrit des romans où les noirs tuent tous les blancs...
Dans la lignée de Chester Himes, une auteur FRANCAISE qui plus est écrit des romans noir qui jouent avec les notions de genre et remettent malignement en question le machisme, la virilité... : Sophie Di Ricci. A même pas trente ans, elle a complètement dépoussiéré le genre. A lire.
Le 4e ca doit être le solitaire désespéré alcoolique, souvent enquêteur, souvent traqué et souvent piégé par une femme fatale
il y a aussi un certain travail sur la fumée, des cigarettes, des bouches d'égouts, du brouillard etc qui est assez caractéristique du genre...
Merci pour ce billet !
Je me suis fait une cure de films noirs cet automne, grâce à Archive.org qui a organisé une sélection exprès : https://archive.org/details/Film_Noir. A télécharger gratuitement ou à voir en streaming, il manque juste des sous-titres. C'est souvent des secondes parties de programme, qui font parfois seulement 60' (pas comme les classiques qu'on voit d'habitude et qui ont des conditions de production et des longueurs décentes).
J'ai pensé un moment travailler sur les femmes fatales en repérant à deux reprises "discours féministe = femme vénéneuse manipulatrice". Mais je n'en ai trouvé que deux sur des dizaines de films, et j'ai arrêté là. Il s'agissait de la méchante de Quicksand, dont la première interaction avec le héros (tonique mais tout petit, et au final il se rend compte que la gentille l'aime beaucoup mieux) est sur le registre "je suis serveuse dans un diner, mais I don't come with the menu" (et tu parles, elle dit non deux fois mais - culture du viol - se fait lever en 5' malgré l'arrogance tête à baffe du gars qui donne justement envie de dire non). Quant à l'autre, elle est présentée avec son mari, les deux en apparence très convenables, se plaignant du paternalisme lubrique de leur hôte (son patron à lui). C'est signe que cette femme est dangereuse, et évidemment elle va finir par tuer son mari comme elle a tué tous ses autres maris ! Ces deux exemples étaient énormes, mais pas de quoi faire un article, seulement un commentaire.
Enfin, il y a beaucoup à faire, et certainement beaucoup a été déjà fait, sur la typologie des femmes dans les films noirs - les gentilles au service du héros, les méchantes qui l'enfoncent, les ambiguës, toutes définies comme adjuvantes et opposantes, proies ou récompense du guerrier, c'est toujours androcentré dans le récit et il y a moins de variété que pour les personnages masculin, mais c'est un sujet vraiment intéressant !