Les féministes sont très souvent accusées de dire que tout homme est un violeur.
Je suis toujours surprise de l'énergie à véhiculer des rumeurs autour des féministes, rumeurs que nous passons un temps assez considérable à démentir. Ce temps ne peut être consacré à une lutte active et c'est assez ironique lorsqu'on se rappelle que beaucoup de gens nous disent qu'on ne s'occupe pas "des vrais problèmes". Si vous cessiez peut-être d'inventer des rumeurs et des ragots, on perdrait un peu moins de temps. Mais bref. Comme j'ai constaté que cette idée se répand de plus en plus, essayons une bonne fois pour toutes d'y répondre pour enfin passer à autre chose.
Dans l'enquête de victimation Enquête "Cadre de vie et sécurité" 2011 réalisée conjointement par l'INSEE et l’ONDRP (Observatoire National de Délinquance et des Réponses Pénales), on mesure qu'en 2009-2010, 1% des femmes de 18 à 75 ans ont déclaré avoir été victimes de violences sexuelles soit un peu moins de 220 000 femmes. Ce taux est de 0,3% pour les hommes de 18 à 75 ans : un peu plus de 60 000 hommes seraient victimes de violences sexuelles chaque année .
En 2011, d'après les statistiques centralisées par la Direction centrale de la Police Judiciaire, 4983 personnes majeures ont porté plainte pour viol en commissariat de police et de gendarmerie.
Selon le Rapport 2012 de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, le nombre de victimes déclarées de violences sexuelles hors ménage est de 286 000 personnes de 18 à 75 ans en 2010-2011 c'est-à-dire que 286 000 personnes ont déclaré avoir été victimes de violences sexuelles,ce qui ne veut pas dire qu'elles ont porté plainte. Quand on précise la nature de l'agression sexuelle, on arrive au chiffre suivant : 193 000 personnes de 18 à 75 ans, en 2010-2011, sont des victimes déclarées de viols et tentatives de viol.
Le rapport a donc calculé que, pour la période 2010-2011, environ 12 % des femmes de 18 à 75 ans ayant déclaré avoir été victimes de violences physiques ou sexuelles, ont dit avoir porté plainte à la suite de l’un au moins des actes subis sur deux ans. Le chiffre est inférieur pour les hommes ; moins de 4%.
On constate donc un écart extrêmement important entre le nombre de déclarations d'agressions et le nombre de plaintes enregistrées. Les viols et les agressions sexuelles sont les crimes et délits pour lesquels on porte le moins plainte en France. Il en est de même aux Etats-Unis : selon le Département de Justice Américain, 62.5% des crimes et des agressions sexuelles ne sont pas rapportés à la police.
Je regardais hier 7 à 8 avec un reportage consacré au violeur multirécidiviste Sofiane Rasmouk accusé de viol avec violence et tentative d'homicide; Alors que l'une de ses victimes témoignait du viol, la journaliste parla de "douleur irréversible".
Les réactions suite à un viol sont diverses ; beaucoup de victimes se sentent salies, se sentent infiniment mal et ont des envies suicidaires. Si elles sont tout en fait en droit de dire qu'elles pensent ne jamais aller mieux - l'aide psychologique sera là pour les y aider - je ne tolère plus le discours social visant à les enfoncer encore davantage.
Comment entendre alors qu'on va très mal qu'une douleur est irréversible ?
Comment entendre dire qu'on n'ira jamais mieux ?
Quel espoir peut-avoir une victime de viol lorsqu'elle entend ce genre de discours ?